A Jarrie, l’usine pilier des activités de #Framatome en zone de turbulences depuis l’arrêt de #Vencorex

usinenouvelle.com
Les conséquences en cascade de la fermeture de l’usine de Vencorex, à #
Pont-de-Claix près de #
Grenoble, touchent l’un des piliers de la filière française du #
nucléaire. Début février, les représentants syndicaux de l’usine de Framatome à #
Jarrie, située à proximité, ont été informés d’un plan de #
chômage partiel pour le site, qui doit toucher 140 salariés sur 300 à partir du 1er avril. Les négociations sur les modalités de ce dispositif sont en cours. Mais le scénario du pire, celui d’un arrêt de ce site, dont la production d’éponges de #
zirconium irrigue toutes les autres usines de Framatome (ainsi qu’une partie de la filière #
aéronautique française), semble écarté. Pas d’effet domino en vue
«Vencorex est tombé, cela a entraîné la chute d’Arkema. Le domino d’après pouvait être Framatome»,
retrace #
PhilippeMessina, délégué syndical #
CFDT (majoritaire dans l’entreprise) et technicien au sein du secteur chimique de l’usine. Mais l’alarmisme n’a pas lieu d’être :
«le groupe nous a immédiatement garantis des investissements pour la recherche de solutions, car Jarrie s’inscrit toujours pleinement dans la stratégie industrielle de Framatome»,
continue le représentant syndical.
«Nous traversons une période de turbulences, mais des solutions sont à l’étude et le président de Framatome, #BernardFontana, a fait part de sa volonté de faire évoluer le site et de le pérenniser»,
abonde #
AlexandreCrétiaux, délégué central pour la CFDT Framatome présent au conseil de surveillance du groupe.
«Notre PDG a renouvelé son intérêt pour l’usine : ils mettent les moyens qu’il faut»,
confirme aussi délégué #
MehdiDeschanet, délégué syndical CGT au sein de l'usine de Framatome, qui regrette que l’entreprise n’ait pas diversifié ses fournisseurs plus tôt.
Une source ministérielle proche du dossier confirme à L’ #
UsineNouvelle la volonté de l’Etat et de Framatome (filiale à 100% d’EDF) de trouver une solution pérenne pour le site. Contactée par L’Usine Nouvelle, l’entreprise se borne à préciser par écrit être
«mobilisée pour étudier avec #Arkema toutes les options pour garantir la continuité de l’approvisionnement en chlore de notre usine de Jarrie, importante pour la chaîne de fabrication de Framatome».
Production au minimum depuis deux mois
Rembobinons. Fragilisé par la concurrence asiatique, le producteur de sel Vencorex est placé en #
redressementJudiciaire le 10 septembre 2024. Une #
grève illimitée débute le 23 octobre, alors que le seul repreneur potentiel ne prévoit d’y garder qu’une activité minimale (25 salariés sur les 450 présents sur le site)... En décembre, Arkema annonce à son tour la fermeture d’une bonne partie de ses activités – les plus consommatrices en sel – dont Vencorex était le fournisseur. Cela concerne notamment la production de #
chlore par #
électrolyse, puis du chlorure de méthyle et des fluides techniques qui en sont dérivés. Face au plan de suppression de 150 emplois, une grève est déclenchée le 5 décembre, puis généralisée dans toute l’usine le 13 janvier.
Or, comme #
ArianeGroup a besoin du perchlorate d'Arkema (et du sel de Vencorex, qualifié pour cela) pour ses combustibles, l’usine de Framatome La Jarrie, en face, est ultra-dépendante du chlore de son voisin.
«Par rapport à leur production, notre consommation est insignifiante. Mais le conflit social est bien tenu et les vannes sont fermées, donc cela nous prive de chlore»,
raconte Philippe Messina qui se dit «solidaire» des salariés d’Arkema en lutte et ne condamne pas ce blocage.
«Ils sèchent notre usine sur le chlore. On comprend ce qu’ils vivent et à leur place, on ferait sûrement la même chose. Mais depuis début décembre, nous produisons au minimum et la question d’un arrêt de production et d’une mise au chômage technique se pose aujourd’hui»,
décrit-il.
Usine critique pour le nucléaire et l’aéronautiqueConcrètement, le chlore est produit ou acheté par Arkema et envoyé à Framatome via un tuyau. Ce dernier l’utilise avec du noir de carbone, afin de transformer chimiquement le zircone (le minéral de base que transforme l’usine, lui-même produit à partir de sable de zircon) et de pouvoir ensuite le purifier dans une colonne de distillation, via un passage en phase gazeuse. L’usine plonge ensuite le produit obtenu (du tétrachlorure de zirconium) dans un bain de magnésium en fusion pour obtenir de l’éponge de zirconium. Cette forme métallique poreuse est celle qui sera retravaillée pour en faire des lingots dans l’usine Framatome d’ #
Ugine. Puis qui alimente en cascade la plupart des usines de la filiale d’ #
EDF, qui le transforment pour former les grilles et les tubes du combustible des centrales nucléaires.
Autrement dit, l’usine est critique pour toute la chaîne de l' #
atome français.
Incidemment, c’est aussi l’une des seules au monde à produire du hafnium, un métal gris présent naturellement dans le zircone et coproduit par la fabrication d’éponge de zirconium. Ce métal stratégique, qui sert dans la stabilisation de superalliages résistants aux très hautes températures, est crucial pour l’aéronautique mais aussi le nucléaire civil et militaire (au sein des sous-marins). La France en est le premier producteur mondial. L’usine disposant de stocks issus de la colonne de distillation, «la production de hafnium ne s’est pas arrêtée», précise Philippe Messina.
Reste que dans un contexte de renouveau de la filière nucléaire tricolore – pour laquelle Framatome se réorganise et augmente ses capacités partout, y compris à Jarrie – l’arrêt partiel de la production du site pourrait être problématique. Aujourd’hui, Framatome a déjà importé des éponges de zirconium des Etats-Unis et de Chine (qu’il faut qualifier), confirment les délégués syndicaux. Mais c’est un branle-bas de combat pour trouver de nouvelles sources d’approvisionnement de chlore et redémarrer la production française. D’autant que cet élément chimique, transporté sous pression sous forme liquide, est très toxique, corrosif et volatile. Donc ne se manipule pas aisément. Vers une reprise de la station de dépotage d’Arkema ?
Plusieurs options sont sur la table. La première consisterait à racheter à Arkema sa station de dépotage, qui emploie 35 personnes du côté de l’usine chimique et lui permet de s’approvisionner par voie ferroviaire. Une solution privilégiée par l’Etat, selon les informations de L'Usine Nouvelle, mais dont les négociations sont compliquées par le PSE en cours chez Arkema.
En attendant, Framatome prévoit de pouvoir importer du chlore par camion, en installant pour cela une station de dépotage mobile capable de vider en sécurité des conteneurs-citernes.
«C’est un projet prioritaire, baptisée BUC (pour back-up chlore), qui permettrait de faire tampon et doit être disponible à partir d’avril»,
explique Philippe Messina, de la CFDT. A plus long terme, le groupe pourrait aussi mener à bien un projet qu’il avait déjà lancé en 2024 consistant à installer sa propre station de dépotage de wagons de chlore, mais qui ne serait disponible qu’en 2028. Ou encore installer sa propre unité d’électrolyse de sel pour produire lui-même son produit chimique… A court terme, ce sera néanmoins la réouverture des vannes du côté du site d’Arkema, que Framatome pose comme préalable à la reprise de la station de dépotage, qui pourrait préserver la moitié des salariés de l’usine du chômage partiel.
https://www.usinenouvelle.com/article/a-jarrie-l-usine-pilier-des-activites-de-framatome-en-zone-de-turbulences-depuis-l-arret-de-vencorex.N2227817
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